«De vico fontanarum» — Chenevet

1633 NOTE SUR FONTAINES-LEZ-DIJON, PATRIE DE S. BERNARD: Sur le prieuré de Feuillans, établi autrefois dans le château de son père, et sur la chambre où il était né, devenue le sanctuaire de l’église des Feuillans. (Notice par l’abbé Chenevet, dans l’Alman. de la prov. de Bourg. Dijon, 1782, p. 233. — Courtépée, Descript. du duché de Bourg., t. II, Dijon, 1777, p. 388. — Sommaire de la vie de S. Bernard. Dijon, 1653. — Archives de l’anc. Bourgogne et de la ville de Dijon. — Notice historique par C. X. Girault dans l’Annuaire hist. et stat. de la Côte-d’Or. Dijon, 1824. — Descript. de la chapelle S. Bernard, rétablie à Fontaine, en août 1841, broch. in-8, par M. Caumont

1633D Le village de Fontaines, oùlnaquit saint Bernard, s’élève à mi-côte d’une colline au N. O. de la ville de Dijon, dont il est distant de 3 kilomètres. On y compte 454 habitants. Au point culminant de la colline, à l’ouest, était situé le château de saint Bernard, dont il ne reste plus que quelques parties; 1634D en avant, un peu plus bas, se trouve l’église du village, dont certaines portions peuvent remonter au XIe ou au XIIe siècle. Il paraît certain que c’était anciennement la chapelle du château, et qu’on la devait à la piété de Tescelin, seigneur de Fontaines, et d’Aleth, père et mère de saint Bernard.

1635A Elle dépendait originairement de l’église de Saint-Martin-des-Champs-lez-Dijon, donnée, en 801, aux chanoines réguliers de S. Etienne de Dijon; on pense qu’elle fut érigée en cure en 1451.

Il en est fait mention pour la première fois dans une charte de l’an 1120.

Joceran, évêque de Langres, confirma en cette même année à l’abbaye de S. Etienne l’église de S. Martin avec la chapelle située dans le dessus du village de Fontaines: cum capella quae est in superiori Fontanarum villa. Les papes Calixte II en 1124, Innocent II en 1129, Adrien IV en 1156, et Innocent IV en 1245, font la même mention dans leurs bulles confirmatives des biens possédés par l’abbaye de S. Etienne. On remarque qu’ils lui confirment 1635B la possession de cette chapelle, avec son cimetière et toutes ses dépendances. Elle avait donc été construite, ou sur la fin du onzième siècle, ou, tout au plus tard, au commencement du douzième.

Les anciennes histoires, en parlant du décès de la B. Aleth, arrivé à Fontaines, aux calendes de septembre de l’an 1105, le jour de S. Ambrosinien, patron de la chapelle de Fontaines, montrent clairement qu’il était le patron de ce lieu. C’est ce que prouvent encore une charte de l’an 1130 et divers monuments publiés par le P. Chifflet, dans son Genus illustre S. Bernardi assertum, p. 415 et 523.

La B. Aleth, morte en odeur de sainteté, ne fut inhumée ni dans cette chapelle, ni dans son cimetière. 1635C Gérannus, abbé de S. Bénigne, demanda son corps comme une relique précieuse. Porté sur les épaules des moines jusqu’à l’abbaye, il y resta jusqu’au 14 des calendes d’avril (19 mars) 1250. Alors, pour remplir les intentions de S. Bernard, on le transféra à Clairvaux, et il fut placé dans la chapelle S. Sauveur, non loin de la tombe de son fils. Le nécrologe de S. Bénigne faisait mention d’Aleth en ces termes: Kal. Septembris obiit Alaisa laica.

1636A Quelques chartes nous apprennent que, dès le commencement du XVe siècle, on avait établi, à Fontaines, une confrérie sous le titre de Saint Bernard ; et il est probable que ce fut dans le courant du même siècle que la chambre où était né cet illustre Abbé fut convertie en chapelle. On serait peut-être en droit de conjecturer que l’idée en est due à Bernard de Marey, dont on va voir la donation à l’abbaye de Cîteaux. Du moins est-il certain, par les termes mêmes de cette donation, que la transformation de la chambre natale de S. Bernard en chapelle n’avait pas eu lieu avant 1462, et on montrera plus loin qu’elle était antérieure à l’établissement des religieux Feuillans dans le château de Fontaines, en 1614.

1636B Bernard de Marey, qui avait les droits de Marie de Saulx, sa mère, Dame de Fontaines, et de la famille de S. Bernard, donna, le 20 février 1462, à l’abbaye de Cîteaux, le château, forteresse et maisonforte de Fontaines, où il demeurait, à charge d’y établir une chapelle en l’honneur de S. Bernard, où les religieux qui la desserviraient diraient une messe tous les vendredis de l’année; il avait joint à ce don la quatrième partie de la maison et de la justice de Fontaines, le four banal et plusieurs terres qu’il y possédait, car le surplus de cette seigneurie était tenu par ses frères. Mais le Duc Philippe-le-Bon ayant refusé les lettres nécessaires pour la validité de cette donation, l’abbaye de Cîteaux se vit forcée de remettre ces fonds en main habile, les 1636C fiefs ne pouvant être tenus que par des nobles, et les vendit, en effet, moyennant 400 livres, à Jean Rollin, évêque de Châlon-sur-Saône, qui avait déjà acquis, en 1434, d’Alexandre de Marey, frère de Bernard, un autre quatrième de cette seigneurie.

Les choses en restèrent là jusqu’au commencement du XVIIe siècle. Il s’était établi, dans cet intervalle de temps, une congrégation réformée de l’ordre de Cîteaux, connue sous le nom de Notre-Dame 1637A des Feuillans. Jean de la Barrière, Abbé commandataire de l’abbaye de Feuillans, à six lieues de Toulouse, en avait été l’instituteur, en 1577. Le pape Sixte V approuva cette réforme en 1586, et Clément VIII en modéra la rigueur en 1595. Jean de la Barrière étant venu à Paris, par ordre d’Henri III, avec 60 de ses réformés, ce prince leur fit bâtir une maison au faubourg S. Honoré de Paris. Henri IV la fit achever, et lui donna tous les priviléges des maisons de fondation royale.

Ce fut à ces religieux que Joachim de Damas, fondateur du couvent des capucins de Dijon, en 1602, prit le parti de vendre son château de Fontaines, pour le convertir en un monastère de leur congrégation, et y faire élever une église en l’honneur 1637B de S. Bernard. La vente s’en fit en 1613, et les deniers de cette acquisition furent fournis des libéralités de plusieurs personnes pieuses. L’abbaye de Cîteaux s’opposa à cette vente et à l’établissement des Feuillans à Fontaines, sous prétexte que la seigneurie de ce lieu lui avait été donnée, pour le même objet, en 1462: mais elle fut déboutée de son opposition, et les Feuillans prirent possession de leur nouvelle demeure le lundi de la semaine de la Passion de l’année 1614.

Louis XIII, qui était redevable de sa naissance aux prières de S. Bernard, se montra le protecteur des Feuillans. Il approuva leur acquisition; en amortit le terrain par ses Lettres-Patentes du mois 1637C de juillet 1618 (Appendice, no 1.); se déclara leur fondateur; accorda à leur monastère le privilége et les immunités des maisons royales; leur assigna une pension de mille livres, et leur fit don de trois mille livres, tant pour leur entretien que pour leur bâtiment et la décoration de la chapelle S. Bernard.

Sébastien Zamet, évêque de Langres, avait approuvé, en 1617, leur établissement à Fontaines. Les magistrats de Dijon y consentirent également: et pour témoigner davantage l’intérêt qu’ils y prenaient, ils voulurent être parrains, en 1620 et 1621, lors de la bénédiction de leurs cloches (Appendice, no 2.), et contribuèrent, par leurs dons, ainsi que plusieurs personnes de piété, à la décoration de leur 1637D église.

Mais la cérémonie qui, par son éclat et sa pompe extraordinaire, fit le mieux éclater les sentiments de la France et de la Province de Bourgogne envers S. Bernard, fut celle de la pose de la première pierre de l’église du monastère des Feuillans, élevée en son honneur.

Le jour de l’Epiphanie de l’an 1619, elle fut solennellement placée sous la première colonne à droite, au nom du Roi Louis XIII, par Roger de Bellegarde, Duc et Pair, Grand Ecuyer de France, Gouverneur de Bourgogne et de Bresse. Octave de Bellegarde, évêque de Conserans, la bénit en 1638A l’absence de l’évêque de Langres, au milieu d’un immense concours de personnes de tout état et de toute condition.

Trente-trois pierres de moindres dimensions furent placées autour de la pierre principale. Elles étaient toutes ornées d’inscriptions où le Souverain Pontife, les princes temporels, les royaumes, les universités, les ordres religieux avaient voulu, comme à l’envi, élever à S. Bernard un monument durable de leur admiration et de leur piété (Appendice, no 3).

La dévotion à ce grand saint ne pouvait manquer de recevoir par là un nouvel accroissement. Anne d’Autriche ne se vit pas plutôt mère du Dauphin, qui fut Louis XIV, qu’elle envoya par un de ses 1638B aumôniers une lettre aux Feuillans de Fontaines, en 1638, afin de leur demander de rendre des actions de grâces durant neuf jours à leur saint Père, auquel elle s’était vouée pour obtenir de Dieu un fils (Appendice, no 4).

Louis XIII avait fait en sorte que l’on solennisât la fête de S. Bernard dans tout le diocèse de Langres; mais cette fête n’y ayant été observée que durant quelques années, Louis XIV écrivit à l’évêque de Langres, afin de lui demander de la faire revivre. Ses lettres sont du 20 décembre 1652 (Appendice, no 5). Il y donne à S. Bernard le titre de protecteur de sa couronne, et il reconnaît lui devoir la victoire de Lens, remportée le jour de sa 1638C fête. Louis XIV écrivit pour le même sujet au Duc d’Epernon, Gouverneur de Bourgogne, et au Parlement de Dijon.

Le 25 mars 1653, Sébastien Zamet, évêque de Langres, rendit une ordonnance, par laquelle il enjoignait à tous ses diocésains de célébrer la fête de S. Bernard, comme une fête de commandement, en cessant toutes les oeuvres serviles (Appendice, no 6).

Le 22 juillet de la même année, le même évêque érigea une confrérie de S. Bernard en l’église des Pères Feuillans de Fontaines, et il en approuva les statuts. Louis XIV, son frère et la Reine Mère avaient voulu en être les premiers membres. Le Pape Innocent X, par son bref du 2 mai 1653, avait enrichi de faveurs spirituelles cette nouvelle société 1638D qui devait, disait-il, être établie par l’Ordinaire (Appendice, no 7).

Après la destruction du monastère des Feuillans par la Révolution française, la confrérie qui avait été établie dans leur église fut transférée dans l’église paroissiale de Fontaines, par Mgr. J. F. Martin de Boisville, évêque de Dijon. Les lettres, dans lesquelles il confirme les anciens statuts, sont datées du 22 janvier 1823.

L’église des Feuillans, due particulièrement aux libéralités d’Anne d’Autriche et de Louis XII, orientée du nord au sud, se composait de deux parties terminées en dôme, du choeur des religieux 1639A disposé en hémicycle au nord, et du sanctuaire au sud. Le choeur des religieux n’existe plus aujourd’hui. En 1791 cette église avait 62 pieds de longueur, sur 26 de largeur; la sacristie 23 pieds sur 10; le choeur des religieux 23 pieds sur 17: elle était décorée de 16 colonnes, dont 10 en marbre noir, et 6 en marbre blanc de Flandres; les bases et les tors en marbre blanc jaspé, les chapiteaux en albâtre. Le maître-autel, en forme de tombeau antique, 1640A était surmonté d’un baldaquin doré soutenu par 4 colonnes en marbre de Flandres, d’ordre corinthien, les bases et les chapiteaux en bois doré, les piédestaux et gradins en bois peint en marbre. Au milieu était une statue de S. Bernard en bois doré.

Sur les murs extérieurs de l’église, on lisait les inscriptions suivantes:

1639 Sur le devant ayant aspect à l’est:

1639A SACELLVM BEATAE MARIAE DOMINAE GRATIARUM.

1640A SACELLVM S. BERNARDI PATRIS ET ECCLESIAE DOCTORIS.

1639 Et plus bas:

1639A AVE MARIS STELLA DEI MATER ALMA ATQ. SEMPER VIRGO. FELIX COELI PORTA.

1640A S. D. BERNARD. AD SOLV DOMESTICV POTENTEM MIRABILIV PRO REGIS. SALVTE ORAT ET IN COELV.

1639B Sur le derrière, à l’aspect du couchant, les inscriptions sont mutilées et illisibles.

Les Feuillans demeurèrent à Fontaines jusqu’à la mise à exécution des décrets des 12 février et 11 octobre 1790, portant suppression des ordres monastiques. Alors leur maison fut livrée au bras séculier. Le mobilier en fut vendu; et le sieur Nogaret, architecte, nommé par le directoire du district de Dijon, estima par procès-verbal du 16 juillet 1791, l’église, le monastère, les jardins, vergers, et un clos de 21 journaux d’excellentes terres, la modique somme de 13,000 livres.

Le tout fut délivré par procès-verbal du 17 août 1791, pour 21,500 francs à une compagnie qui revendit, par acte du 3 juillet 1793, tous les bâtiments, 1639C cours, jardins et terrasses, moyennant 9,000 francs payables moitié en août suivant, moitié en août de l’année 1794.

Ces nouveaux acquéreurs étaient des ouvriers qui n’achetaient que pour tirer parti des matériaux en pierres et menuiserie. Presque tout fut démoli et vendu en détail dans moins de deux ans; l’emplacement couvert de ruines fut revendu le 23 mars 1795, moyennant 6,000 francs en assignats, valant à peu près 2,000 francs, à un troisième acquéreur.

Dans l’église des Feuillans, le choeur des religieux avait été démoli, ainsi que le clocher. Le sanctuaire fut transformé en cellier; et le reste de 1639D l’église fut occupé par une forge et par une écurie. La sacristie devint une cuisine.

Pendant vingt-cinq ans les deux coupoles de l’église restèrent sans couverture, chargées de quatre à cinq pieds de pierrailles et de sable de démolition; elles n’existeraient certainement plus aujourd’hui sans la précaution que les anciens architectes avaient prise de les couvrir par un berceau en pierre de taille blanche.

1640B Au mois d’août 1821, un quatrième acquéreur, Monsieur C. X. Girault, arrêta enfin l’oeuvre de destruction et assura la conservation de l’église.

En 1840 l’héritage des Feuillans se retrouva entre des mains sacerdotales. Monsieur l’abbé Renault, ancien vicaire général et chanoine honoraire du diocèse de Dijon, en devint l’heureux possesseur. Grâce à sa pieuse sollicitude, l’église fut restaurée avec beaucoup d’intelligence par M. Caumont, architecte, membre de la commission des antiquités de la Côte-d’Or. Dès 1841 la gracieuse chapelle, sortant de ses ruines, put de nouveau s’ouvrir aux pèlerins attirés par le désir d’invoquer saint Bernard au lieu même de sa naissance.

On a vu que le clocher et le choeur des religieux 1640C avaient été détruits: ce qui reste de leur élégante église se compose de trois parties, séparées les unes des autres par des arcs doubleaux décorés d’archivoltes, de pendentifs remarquables par la coupe et la régularité de l’appareil des voussoirs en pierre dure polie, par la précision des joints, la pureté des profils et la richesse des ornements sculptés et polis.

Les deux premières parties sont terminées en dômes, en forme de couronnes royales, ornées de fleurons et de perles sculptées autour du cercle d’en bas.

Ces dômes reposent sur des entablements corinthiens complets, très-riches: toutes les moulures des architraves et corniches sont taillées de rais de coeur, de trèfles, d’oves, de denticules, de modillons 1640D à feuilles de refends et de rosaces sculptées entre les modillons.

Le premier dôme est décoré du chiffre et des armes de Louis XIII, et le second du chiffre et des armes de son épouse Anne d’Autriche.

Les seize colonnes en marbre qui ornaient l’église, et qui avaient été enlevées pendant la révolution avec leurs chapiteaux et leurs piédestaux, 1641A ont été modestement remplacées par des colonnes en bois, de mêmes dimensions que les anciennes; elles se raccordent avec les entablements qui forment quatre arcs de triomphe ou portiques, sous lesquels il faut passer pour arriver au sanctuaire.

Les intrados des arcs doubleaux, les frises des entablements des deux dômes, et les frises des quâtre portiques présentent un semé de fleurs de lis sculptées, qui sont demeurées presque intactes, tandis que les architraves ont été mutilées.

Le sanctuaire est élevé d’un degré. Il est construit sur un plan octogone régulier. Son ornementation actuelle ne remonte pas à une date plus ancienne que celle de la restauration faite par les soins de M. l’abbé Renault, ainsi que la niche placée 1641B au-dessus du maître-autel, et la statue en pierre de saint Bernard qui la décore.

Mais l’église des Feuillans n’eût-elle conservé de son ancienne splendeur que les murailles nues et dégradées de ce sanctuaire, elle n’en mériterait pas moins d’être visitée avec un respect empressé, puis qu’il s’élève dans l’emplacement même de la chambre où naquit saint Bernard, et qu’il est pris dans la vaste épaisseur de ses murs antiques.

Le plus ancien titre qui fasse mention de la chambre dans laquelle est né saint Bernard, est un partage d’hoirie du mois de février 1429. Il y est parlé de la grosse tour du château de Fontaines, vulgairement dicte LA TOUR MONSIEUR SAINCT BERNARD, 1641C et du cellier ou chambre de la mesme tour dans laquelle fut né mondit sieur S. Bernard

Les Feuillans, devenus propriétaires du château de Fontaines, trouvèrent cette chambre déjà transformée en chapelle. C’est Louis XIII lui même qui nous l’apprend en ces termes dans ses Lettres-Patentes du mois de juillet 1618: «Or estans deüement informés qu’audit lieu de Fontaines, l’endroit où nasquit , a esté depuis dédié et appliqué à l’usage d’une chapelle qui a esté et est encore venérée et fréquentée par grand concours de peuple, et qu’en icelle plusieurs obtiennent des graces et faveurs d’en haul très singulières et extraordinaires par les intercessions de ce glorieux saint.»

1641D Pendant que saint François de Sales prêchait le carême à Dijon, en 1604, «il alloit souvent, dit son neveu, célébrer à la chapelle de saint Bernard de Fontaines, à cause de la grande dévotion qu’il avoit à ce docteur enmiellé, chantre de la glorieuse Vierge.»

1642A Messire Jean Pierre Camus, si connu par ses relations avec saint François de Sales, rapporte dans son Eloge de piété à la bénite mémoire de M. Claude Bernard, appelé le pauvre prêtre, l’histoire d’une jeune demoiselle de Dijon qui, en 1615, avait tout à coup perdu l’usage de la parole.

«Des personnes de grande piété, ajoute t-il, furent d’avis que ceste fille et ses parents eussent recours à l’intercession de saint Bernard, et qu’à ce sujet elle allast tous les jours à pied, durant l’espace d’une semaine, visiter l’oratoire qu’on avoit dressé au lieu même de sa naissance, appelé Fontaines, aux portes de Dijon.»

Messire F. André Valladier, prédicateur ordinaire du Roi, faisant en 1628 l’éloge funèbre de 1642B Dom Bernard de Montgaillard, Abbé d’Orval au pays de Luxembourg, parle de Fontaines, belle petite montagne ronde et aisée, et toute semblable au sainct mont de Garmel en la Iudée. Puis il continue: «I’ay eu l’honneur d’y prescher et sacrifier plusieurs fois dans la mesme chambre où sainct Bernard naquist, laquelle ayant esté tousiours gardée très religieusement, le sera encore plus à l’advenir par la dévotion des Pères Feuillans qui y bâtissent un beau monastère et une église magnifique, grandement fréquentée par l’insigne dévotion de toute cette belle ville de Dijon; bénédiction de la quelle la naissance de sainct Bernard l’a laissée héritière, comme de ses douceurs, de ses dévotions et de ses zèles divins 1642C à l’amour de Dieu, et la perfection de la religion catholique .»

Le 31 mars 1631, le marquis d’Effyat, maréchal de France, visitait pieusement la maison natale de saint Bernard, en laquelle se bâtissait le monastère des Feuillans, et offrait une lampe d’argent qui devait être suspendue devant l’autel de ce saint. Il faisait en même temps pour l’entretien perpétuel de cette lampe, une fondation de 500 livres tournois .

Au mois de mai 1667, Dom Joseph Méglinger, religieux de Wettingen, au diocèse de Constance, se rendant au chapitre général de l’Ordre à Cîteaux, passa par Dijon et eut le bonheur de célébrer la messe dans l’église des Feuillans, sur l’autel même 1642D qui occupait le lieu où saint Bernard avait ouvert les yeux à la lumière — «in altari, quod jam eum occupat locum, in quo de piae parentis utero in hanc mortalitatis lucem progressus est sanctus Bernardus .»

Cet autel élevé en un endroit si vénérable était 1643A devenu naturellement l’autel principal de l’église des Feuillans, et l’on avait voulu que la chapelle où il se trouvait en formât le sanctuaire. Cette disposition a été religieusement conservée par M. l’abbé Renault.

Le sanctuaire de l’église des Feuillans était alors, comme il l’est encore aujourd’hui, placé au rez-dechaussée de la grosse tour du château de saint Bernard, dont parle l’acte de partage de 1429, qu’on a cité un peu plus haut.

Les murs du sanctuaire, qui ont 3, 4, et jusqu’à 9 pieds d’épaisseur, ne permettraient aucun doute sur ce point, mais un acte de partage du mois de mai 1420 le démontre d’une façon péremptoire.

Ce précieux document mentionne la tour qui était 1643B dessus la porte du château, ensemble la petite maison qui était entre ladite tour du château et la grosse tour. C’est tout ce qui reste aujourd’hui du château de saint Bernard.

Or cette indication nous conduit de la porte d’entrée, dont on voit encore les gonds, et où paraissent les raînures destinées à laisser tomber la herse, elle nous conduit droit à la grosse tour, c’est-à-dire au sanctuaire de l’église des Feuillans.

On voit par un passage des voyages de Dumont qu’en 1689 le sanctuaire n’avait pas la forme octogone qu’il a aujourd’hui, et qu’il avait déjà avant la Révolution. «On montre, dit-il, la chambre dans 1644A laquelle saint Bernard est né; c’est une fort petite salle basse, quarrée, et dont on a fait une chapelle. On y voit écrit sur la porte: Venez mes enfants, et je vous introduirai dans la maison de mon père, et dans la chambre où ma mère m’a enfanté.»

Il est probable qu’au XVIIIe siècle cette petite chambre basse, carrée, finit par déplaire, et qu’on voulut accorder un peu le sanctuaire avec le reste de l’église en le taillant en octogone dans l’épaisseur des murs de la chambre elle-même. On ignore à quelle époque fut exécuté ce travail d’embellissement regrettable puisqu’il altéra la forme d’un lieu véritablement consacré par la naissance de saint Bernard.

Si l’on s’en rapportait à l’abbé De Mangin dans 1644B son Histoire Ecclésiastique et civile du diocèse de Langres, on pourrait croire qu’en 1765 la chambre basse, carrée, existait encore; mais il faut remarquer que cet auteur a copié purement et simplement Piganiol de la Force, lequel avait copié La Martinière. La Martinière avait copié Corneille , et ce dernier n’avait fait que répéter les paroles de Dumont.

Il faut se contenter de savoir que le sanctuaire est bien établi dans l’emplacement de la chambre où naquit saint Bernard; et que c’est à partir de 1689 qu’il reçut la forme que nous lui voyons aujourd’hui.

Читайте также:

Добавить комментарий

Ваш e-mail не будет опубликован. Обязательные поля помечены *